La preuve des droits subjectifs:

LES CONDITIONS DE RECEVABILITE

Ceci pose la question de savoir si en cas de litige, il est possible d'invoquer n'importe quelle preuve.

Il y a lieu de procéder à une distinction entre fait et acte juridique.

Lorsque l'on est en présence d'un fait juridique la preuve est libre.
Toutefois certains faits juridiques sont soumis à des règles de preuve spéciales tels que naissance et décès.
Les faits juridiques pour leur part sont en dehors de la volonté des parties.
Quand il y a acte juridique, la preuve n'est pas libre.
Elle doit obligatoirement se faire par un procédé de preuve par fait.
En effet l'acte juridique a été voulu par les parties, dont les parties doivent se préoccuper des moyens de preuve exigés par la loi.

La preuve des actes juridiques est régie par l'art. 1341 du Code Civil qui prévoit qu'il faut une preuve littérale chaque fois que l'acte juridique dépasse une certaine valeur.

Cet article a été mal rédigé puisqu'il emploi des termes trop restrictifs en exigeant un écrit.

En réalité un écrit n'est pas indispensable, et la preuve peut se faire par tous les procédés de preuve parfait.

De plus l'art. 1341 comporte des exceptions.

A. Le principe de l'art. 1341 du code civil

1) L'acte juridique supérieur à une certaine valeur demande un procédé de preuve parfait.

Ce procédé remonte au 16ème siècle. A cette époque, il fallait deux témoignages concordants.

A partir de 1566 un acte écrit était nécessaire pour la preuve de tout acte supérieur à 100 Louis.

En 1810 le montant est passé à 150 F.

En 1928 à 500 F et en 1948 à 5 000 F.

Le 1er janvier 1960 ces 5 000 F sont devenus 50 F et la loi du 12 Juillet 1980 a modifié l'art. 1341 du Code Civil. Le décret 80-533 du 15/7/1980 a fixé cette valeur à 5 000 F.

Le décret du 30 mai 2001 a fixé ce montant à 800€ à compter du 1er janvier 2002 et celui du 20 août 2004 à 1500€ à compter du 1er janvier 2005

Cette règle ne s'applique qu'aux parties de sorte que les tiers peuvent faire la preuve d'un acte juridique par tous les moyens puisque ceux-ci sont des étrangers à l'acte juridique.

2) On ne peut prouver contre et outre un écrit que par un procédé de preuve parfait.

Un acte juridique est constaté par un écrit.

Par exemple il s'agit d'un prêt de 6.000 €. Plus tard la banque veut faire la preuve de ce que le prêt est de 7.000 €. La preuve doit alors se faire par un procédé de preuve parfait.

Cette règle a son origine dans l'ordonnance de 1646 et ne s'applique pas aux tiers.

B. Les exceptions de principe de l'art. 1341

Dans un certain nombre de cas, la preuve d'un acte juridique est libre même si sa valeur est supérieure à 1500€ à savoir :
- liberté de preuve en matière commerciale
- commencement de preuve par écrit
- impossibilité de produire un écrit

1) Liberté de preuve en matière commerciale

L'art. 1341 in fine prévoit que ces dispositions doivent s'appliquer " sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce ".

L'art. 109 du Code de Commerce admet la liberté des preuves et la jurisprudence a étendu le domaine de l'art. 109 à toutes les opérations commerciales.

En effet le commerce a besoin de rapidité ce qui empêche souvent la rédaction d'actes écrits.

Le principe de la liberté des preuves n'est pas absolu puisque certaines lois commerciales plus récentes ont exigé des écrits.

2) Le commencement de preuve par écrit (art. 1347 du Code Civil)

Lorsqu'un acte juridique d'une valeur supérieure à 1500€ n'est pas constaté par un écrit, mais qu'il existe un commencement de preuve écrit, il pourra être complété par n'importe quel moyen de preuve.

Le commencement de preuve par écrit constitue un point de départ et suppose la réunion :
- d'un écrit
- émanant de l'adversaire
- rendant vraisemblable la prétention de celui qui l'invoque

Le premier élément a été déformé par la jurisprudence et le législateur.

- Un écrit

N'importe quel écrit peut constituer un commencement de preuve. Cela peut être un acte sous seing privé, une missive, une facture.

Les tribunaux ont assimilé à l'écrit la comparution personnelle des parties aux motifs que les réponses des parties sont consignées par écrit.

Une loi de 1942 a confirmé cette jurisprudence en décidant que la comparution personnelle des parties était un commencement de preuve par écrit.

On est donc très loin de l'écrit, car un silence peut être assimilé à un commencement de preuve.

- Écrit émanant de l'adversaire

Le commencement de preuve émane toujours de l'adversaire et ne peut jamais émaner d'un tiers.

Le commencement de preuve doit rendre vraisemblable la prétention de celui qui l'évoque.

3) L'impossibilité absolue de produire un écrit (art. 1348 du Code Civil).

L'art. 1348 repose sur l'idée qu'à l'impossible nul n'est tenu. S'il est impossible de produire un écrit, la preuve peut se faire par tous les moyens.

La preuve est libre quand l'écrit pré-constitué a été perdu.

Par exemple un acte juridique avait été constaté par écrit mais cet écrit a été perdu.
La preuve devient libre, mais avant il faut prouver que l'écrit a été perdu par une circonstance de force majeure.

L'impossibilité de rédiger un écrit peut être une impossibilité matérielle ou une impossibilité morale.

Par exemple pour une impossibilité matérielle, lorsqu'une chose avait été mise en dépôt, la preuve de ce dépôt et de la perte de cette chose peut se faire par tous les moyens.

L'impossibilité morale est une création de la jurisprudence. Les tribunaux ont toujours admis que la preuve était possible par tous les moyens quand une des parties était dans l'impossibilité morale d'exiger un écrit.

Il y a impossibilité morale quand il y a relation de famille, d'amitié, dans les rapports entre époux, fiancés.
Il y a également impossibilité morale quand les usages et les convenances s'opposent à la rédaction d'un écrit.

La jurisprudence ici a un très grand pouvoir d'appréciation et certaines décisions ont estimé qu'il y a impossibilité morale quand il y a des liens de subordination.

4) Les copies d'actes sous seing privé (art. 1348)

La preuve devient libre lorsque le titre original a été détruit et quand on présente à la place une copie.

N'importe quelle copie n'est pas admise. Il faut une reproduction fidèle et durable.

A l'heure actuelle le législateur hésite toujours entre deux tendances : exiger un écrit pour faire la preuve de l'acte juridique supérieur à1500€ et maintien des dérogations car il pense avoir été trop loin.

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